09/03 - 15/03 : Fumier, coronavirus, modification du projet

La nouvelle est tombée mardi... La région de SaPa n'est plus autorisée aux étrangers selon les mesures prises par le gouvernement vietnamien concernant le Coronavirus. Très dure nouvelle à encaisser. J'étais prêt à affronter tout obstacle à mon projet, mais comment imaginer cela... Un an et demi de préparation, et il fallait qu'une pandémie se déclare dès le début de mon projet. 

Le destin peut être cruel parfois. Mais disons qu'il l'a été à moitié cette fois-ci. En effet, ça aurait pu être pire. Le coronavirus aurait pu se répandre 3 semaines plus tôt, avant mon départ et signer l'échec du projet. Ou bien j'aurai pu être moi-même en quarantaine dans le Nord du pays. Mais nous n'en sommes pas là. La mission continue. J'encaisse, je m'adapte, et je riposte en mettant deux fois plus de cœur et d'efforts dans la partie du projet épargnée, c'est à dire la région de Kontum. A l'heure actuelle, impossible de dire si nous pourrons rejoindre le Nord dans un mois ou deux. Alors autant mettre le paquet dans le centre! 

Avec Bdao, après de longues discussions, nous avons décidé de doubler l'étendue du projet, sélectionner 12 familles supplémentaires et planter plus de 300 arbres. Nous allons suivre ces familles de près, les former, les accompagner, afin que dans 5 ans, quand je reviendrai (pourquoi pas?), je pourrai m’émerveiller devant des arbres en excellente santé, luttant pour soutenir le poids de leurs imposants fruits. 

Concernant le Nord, nous sommes en contact avec des locaux en qui on a confiance, pour qu'ils puissent mener le mieux possible ce que nous avions prévu de réaliser. Nous allons leur envoyer des plans détaillés des potagers avec les légumes que nous souhaitons planter, et un planning très précis des tâches à réaliser. Avec un peu de chance, nous arriverons à distance à faire de belles choses dans ces potagers. 

Voilà à peu près la situation actuelle. Il faut relativiser et ne pas perdre de vue les objectifs.



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Malgré la mauvaise nouvelle du Coronavirus, le projet continue et se concrétise dans le centre. Et cette semaine a encore été très chargée pour moi...

En début de semaine, nous avons fini de creuser les trous dans l'orphelinat de Vinh Son 3 et avons pu également poser le fumier bovin (de vache). En suivant les indications de la sœur agronome de Pleiku (cf articles précédents), nous avons tout d'abord ajouté le fumier dans chacun des trous sur une hauteur de 20cm. Ensuite, nous avons recouvert le fumier d'une couche de 10cm de terre. Enfin nous avons mélangé afin d'obtenir un complexe homogène 2/3 fumier, 1/3 terre. 


De la bonne humeur...


Sacs de fumier


Parce qu'ici, on ne rigole pas avec la plantation des arbres fruitiers


Fumier


Il est essentiel d'arroser le trou avec le fumier une fois tous les 5 jours jusqu'à la plantation de l'arbre. Nous avons bien averti les enfants et les sœurs de l'orphelinat et nous leur faisons confiance pour assurer cet arrosage.

Photo d'équipe avec les enfants de l'orphelinat

Avant de planter les arbres, il faudra attendre au moins 2 semaines. Mais dans un soucis d'économiser des frais de transports et d'éviter une consommation inutile d'eau, nous attendrons la deuxième semaine d'avril. Je m'explique... Concernant les frais de transports, il est bien plus intéressant financièrement d'effectuer une seule commande d'arbres pour les 4 sites concernés par le projet (les deux orphelinats et les deux villages). Ainsi, la commande d'arbres devra arriver au moins 2 semaines après la pause du fumier dans le dernier site. Cette date est prévue au 24 mars. Il faudra donc commander les arbres pour le 8 avril au moins. Le deuxième point est la consommation d'eau. En effet, la saison des pluies arrivant vers mi-avril, il semble judicieux d'attendre cette date avant de planter les arbres et éviter un arrosage journalier.


Outre l'efficacité au travail des enfants, je suis toujours très impressionné par cet orphelinat. Il y a un vrai esprit de communauté, les enfants s'entraident et s'amusent tout en travaillant. On sent que ce n'est jamais une contrainte d'aider. Je lève donc mon chapeau aux sœurs en charge du lieu pour avoir créé cette atmosphère de vie et de bien-être. Aussi, malgré la barrière de la langue, j'arrive tout de même à rire avec les enfants et adolescents et c'est génial! En bref, c'est toujours un plaisir d'aller travailler là-bas.


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En milieu et fin de semaine, nous sommes allés à la rencontre de nouvelles familles pour agrandir le projet. A l'origine, nous visions 160 arbres fruitiers et 10 familles. Maintenant, après adaptation de la mission à la situation actuelle, 300 arbres seront plantés au total, et plus de 20 familles aidées. Ces familles sont en général composées de 7 membres dont 4 à 5 enfants. En ajoutant à cela les 75 enfants par orphelinat, ce sont près de 300 personnes à qui profitera le projet.

Comme pour les autres familles, nous avons analysé la situation au cas par cas, estimé la taille du terrain, mesuré les emplacements des arbres et expliqué aux familles comment creuser les trous. Par ailleurs, nous nous sommes assurés de la disponibilité en eau et leur avons communiqué les dates clés du projet (date de pose du fumier, date prévue de plantation, ...)

Les nouvelles familles sélectionnées sont toutes très démunies et ont du mal à se dégager un salaire suffisant pour vivre dignement. Mais, plus important que tout, elles sont très motivées par le projet et s'impliqueront dans sa mise en oeuvre. Pour s'assurer de cela, nous avons discuté avec elles pour savoir quels arbres les intéressaient particulièrement. En effet, il semble essentiel que les familles cultivent les arbres dont elles veulent.


Famille de village ethnique

Famille de village ethnique

Famille de village ethnique

Famille de village ethnique


Comme vous avez pu le voir sur de nombreuses photos, j'ai l'air d'un géant comparé aux locaux. Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas encore ingéré d'engrais de croissance et je garde la même taille qu'à mon départ. Cependant la moyenne de taille humaine au Vietnam, et particulièrement dans les villages ethniques est en quelque sorte réduite. Si bien que contre toute attente, je met une tête à tout le monde. Non pas que je prenne la grosse tête, mais il y a quand même un sentiment de puissance. Petit bémol : je me prends tous les dessus de porte quand je rentre dans les maisons des locaux.



Non, non, je n'ai pas grandi en un mois... 

Famille de village ethnique

Famille de village ethnique

Ainsi, dans les villages, le projet avance également et il est prévu de poser le fumier pour le 23 mars.


 


Le jeudi, nous nous rendons à Pleiku pour rencontrer de nouveau la sœur agronome. Cette journée a encore été d'une grande richesse pour le projet, et plus personnellement, pour moi-même. 

L'intitulé de cette journée de formation : le planning des apports d'engrais (NPK : Azote, Phosphore, Potassium) pour les arbres fruitiers.

La plupart des locaux utilisent un mélange déjà effectué de NPK pour faciliter la gestion des apports. Cependant, comme nous l'a expliqué la sœur, ces mélanges sont de faible qualité et à des prix très onéreux. En effet, les pourcentages d'azote, de phosphore et de potassium sont en quantités trop faibles. (16% pour chaque). Elle nous a donc conseillé d'acheter des engrais spécialisés pour chacun des 3 apports recommandés pour la culture des arbres fruitiers :

Pour l'azote (N) : urée (contient 46% d'azote)
Pour le phosphore (P) : Lan Van Dien (16% de phosphore pour un petit prix)
Pour le potassium (K) : Kali Nga (61% de potassium)


Nous avons ensuite discuté des dates d'amendements (apports d'engrais). J'ai été très surpris par la complexité du planning à respecter et des quantités d'engrais différentes à apporter selon les dates. C'est bien-sûr normal d'adapter les apports en fonction de la période, comme par exemple : pas d'apports pendant la saison sèche car risque de brûler la plante, ou encore : beaucoup de phosphore en début de plantation pour assurer le développement des racines. Cependant cela m'a un peu inquiété. En effet, si le planning est si complexe, il est d'autant plus difficile de l'apprendre aux familles ethniques (certaines ne savent pas lire, et la plupart appliquent des pratiques d'agriculture très basiques). 

Nous avons donc discuté d'un moyen d'ancrer ces nouvelles pratiques dans le travail des familles. Nous avons alors décidé de sélectionner une personne sérieuse et de confiance par village et par orphelinat pour la former. Cette personne se verra confier la mission d'assurer le projet après mon départ. Ainsi, nous lui fournirons les engrais nécessaires pour toutes les familles aidées du village et elle sera en charge de distribuer aux familles les bonnes quantités d'engrais aux bonnes dates. Elle supervisera également le suivi du projet au fil des mois et des années, afin que le projet à long terme soit une réussite. Cette formation prendra du temps, mais la sœur agronome est prête à nous aider et à rencontrer les personnes désignées pour leur apprendre le plus possible. Elle est également prête à suivre le projet de loin après notre départ. 

Je suis plus que ravi de cette journée. J'ai le réel sentiment que mon projet prend tout son sens, que ce soit dans la formation des locaux, dans la durabilité et la pérennité ou bien dans la prise d'indépendance des locaux. 
  
Cours sur la plantation des arbres fruitiers

La journée s'est terminée avec la rencontre des enfants de l'orphelinat. Chez ces enfants pleins de joie, on ressent un réel besoin d'amour et d'attention, et cela m'a beaucoup touché. Spontanément, ils sont venus vers moi et ont commencé à me faire des calins et à toucher ma barbe (eh oui, c'est pas très commun dans un pays ou beaucoup de gens sont imberbes).

Enfin bref, un nouveau moment de tendresse et de douceur qui ne m'a pas laissé indifférent.


Les orphelins qui chantent 

Petit moment de tendresse




Cette semaine, je me suis encore un peu plus plongé dans la culture vietnamienne et ethnique, notamment par la découverte de nouvelles traditions culinaires, par une soirée karaoké chez des locaux (où je m'en suis donné à cœur-joie pour chanter mes classiques français...), par la découverte de nouveaux objets traditionnels (notamment la gourde en argile pour conserver la fraîcheur de l'eau) et par l'émerveillement devant les paysages de la région.


Gourde traditionnelle

Paysage de Kontum

Fruits de la passion




Pour résumer cette semaine, le coronavirus peut bien se tenir tranquille car je suis loin d'avoir écrit mon dernier mot sur ce merveilleux projet.

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